-Pourquoi un tel sujet ?
Cette recherche est l’achèvement d’un intĂ©rĂŞt constant aux mĂ©thodes interprĂ©tatives du juge. .
-Pourquoi on parle d’une technique comparative et non pas d’une mĂ©thode (dans le sens de mĂ©thode interprĂ©tative) comparative ?
Parce que la comparaison est un technique multiforme, contenant une mĂ©thode interprĂ©tative mais Ă©galement une procĂ©dure d’Ă©laboration d’une source de droit : les principes communs.
-Qu’est-ce que la comparaison comme technique ?
La comparaison comme technique juridique d’un juge est l’emploi volontaire de la comparaison par lui comme moyen de dĂ©terminer la regle juridique applicable au cas concret, par un recours aux solutions juridiques appartenant (au moins) Ă un ordre juridique autre que celle du juge mĂŞme.
Donc le recours imposĂ© au juge au droit Ă©tranger est hors propos ici. Il s’agit dans ce dernier cas d’un emploi non volontaire de la comparaison. L’application du droit Ă©tranger comme rĂ©sultat d’un renvoi opĂ©rĂ© par une règle de droit d’un Etat n'est pas une comparaison comme technique du juge. On peut qualifier ces situations comme comparaison nĂ©cessaire car il s’agit d'une application ordonnĂ©e par une regle du système juridique du juge et il manque l’Ă©lĂ©ment volontaire (volontĂ© libre) du regard vers le droit Ă©tranger qui est la caractĂ©ristique d’une technique juridique (interprĂ©tative au sens large).
-OĂą trouver et comment identifier les manifestations pertinentes de la comparaison ?
Un premier tri s’imposait, pour dĂ©limiter seulement les manifestations de la comparaison comme technique. Si on se limitait aux seuls arrĂŞts oĂą le recours Ă la comparaison comme technique Ă©tait visible, la rĂ©colte aurait du ĂŞtre trop maigre (quelque dizaines des arrĂŞts sur cinquante ans). Donc il a fallu prendre en compte toutes les arrĂŞts comparatifs et leur ajouter les conclusions comparatives des avocats gĂ©nĂ©raux. Il a rĂ©sultĂ© ainsi une masse d’approximativement 200 documents (des arrĂŞts avec motivation comparative et/ou des conclusions des avocats gĂ©nĂ©raux avec motivation comparative).
Dans l’analyse ultĂ©rieure d'une première importance Ă©taient les rapports entre l’argumentation comparative du juge et celle des avocats gĂ©nĂ©raux. On a considère ainsi les solutions juridiques fondĂ© sur les conclusions comparatives des avocats gĂ©nĂ©raux et qui sont reprises silencieusement par le juge.
-La structure de la recherche
On a consacrĂ© un premier chapitre Ă la mĂ©thodologie, avec une section concernant la dĂ©finition et l’orientation de l’analyse et une autre section sur l'’Ă©valuation des documents comparatifs.
Ensuite la recherche etait organisĂ© en deux grands parties : une analyse mĂ©thodologique de la comparaison comme technique suivie d’une analyse fonctionnelle.
1. L’analyse mĂ©thodologique de la comparaison comme technique
On pouvait considĂ©rer la comparaison comme mĂ©thode a cotĂ© d’autres mĂ©thodes traditionnelles du juge comme ils ont fait dĂ©jĂ certains anciens juges Ă la Cour. Il s’agit d’une approche qui prolonge la vision de Zweigert (fameux comparatiste allemand) qui avait parlĂ© de la comparaison comme mĂ©thode universelle d’interprĂ©tation. En droit interne cette vision avait Ă©tĂ© contestĂ©e par les auteurs considĂ©rant qu’il Ă©tait mieux essayer d’Ă©largir le canon mĂ©thodologique classique pour inclure la comparaison.
‘Mutatis mutandis’ en droit communautaire on devait essayer cette dernière approche. L’analyse devait ĂŞtre poussĂ© plus loin encore par une vĂ©ritable dĂ©construction des mĂ©thodologies juridiques du juge.
A. Le premier titre de la partie
On a adoptĂ© cette dĂ©marche et consacrĂ© un premier titre Ă l’analyse et Ă la ‘traduction’ de la comparaison interprĂ©tative dans les concepts mĂ©thodologiques classiques.
Partant de la thĂ©orie de la rĂ©ception du droit Ă©tranger en droit interne et ensuite en droit international et examinant le dialogue entre la doctrine et la pratique du juge communautaire on est arrivĂ© Ă dĂ©terminer l’Ă©mergence d’une comparaison interprĂ©tative ‘standard’. Il s’agit d’une recherche comparative multilatĂ©rale des significations nationales pour trouver leur ‘noyau commun‘.
Finalement on a Ă©tĂ© capables expliciter et ‘traduire’ dans les concepts mĂ©thodologiques classiques cette comparaison interprĂ©tative ‘standard’ comme interprĂ©tation grammaticale objective de concepts indĂ©terminĂ©s, occupant une place dans le canon objectif classique (a cotĂ© des mĂ©thodes systĂ©matiques et tĂ©lĂ©ologiques).
Mais cette analyse de la comparaison interprĂ©tative a laissĂ© un reste: une masse des arrĂŞts relatifs Ă la Convention de Bruxelles qui n’entraient pas dans le paradigme mentionnĂ©. D’un point de vue superficiel, ici le procĂ©dĂ©e semblait identique avec la comparaison interprĂ©tative ‘standard’ mais, en rĂ©alitĂ©, le fondement et l’agencement avec les mĂ©thodes du canon interprĂ©tatif classique etait diffĂ©rent. C’est la raison de l’avoir appelĂ© comparaison interprĂ©tative ‘unifiante’ : elle a comme but de donner une interprĂ©tation du textes de Droit unifiĂ© (en espèce la Convention de Bruxelles ) en accord avec le plus grand nombre possible des conceptions particulières nationales.
B. Le deuxième titre de la partie
-La comparaison normative
Un autre titre de la recherche a été consacré à la comparaison comme technique permettant le développement du droit par le juge à travers les principes communs aux droits nationaux.
On a appelĂ©e cette manifestation de la technique comparative comparaison ‘normative’.
Il s’agit des «principes reconnus par les nations civilisĂ©es», une vĂ©ritable directive adressĂ©e au juge international par l’article 39 du Statut de la CPIJ et ensuite CIJ.
Confrontant les situations comparatives significatives en droit communautaires avec la thĂ©orie et la pratique de principes fondĂ© comparativement en droit international on est arrivĂ© a tracer ‘le portait robot’ de cette manifestation de la comparaison ‘normative’.
-Comparaison ‘diversitĂ©’
ArrivĂ© a cet point des dĂ©veloppements on a trouvĂ© une autre masse d’arrĂŞtes comparatifs (relatifs a la Convention de Bruxelles et au renvoi prĂ©judiciel) qui n’entrait pas, ni dans le paradigme de la comparaison interprĂ©tative ‘standard’ ou ‘unifiante’, ni dans celle de la comparaison ‘normative’.
Il s’agissait de situations oĂą le juge confrontĂ©, sur la ligne de frontière entre le droit communautaire (ou para communautaire -comme c’est le cas de la Convention de Bruxelles) et le droit national Ă©valuait la nĂ©cessitĂ© de laisser les droits nationaux en Ă©tat (dans leur diversitĂ© spĂ©cifique) par rapport Ă l’intĂ©rĂŞt d’Ă©tablir une solution commune (communautaire ou para communautaire).
Lorsque le juge donne raison Ă l’unitĂ© sur la diversitĂ© il emploie un raisonnement par effets reconnu comme tel par la littĂ©rature mĂ©thodologique.
Cette comparaison qu’on a appelle ‘diversitĂ©‘ ne reprĂ©sente qu’un infra argument, un infra raisonnement imbriquĂ© dans un raisonnement plus large (Ă un premier niveau, un raisonnement par effets). En associant le deux versants, positif et nĂ©gatif du raisonnement on comprend la rĂ´le jouĂ© par le juge et surtout le vrai mĂ©canisme qui est en jeu.
Cette comparaison ‘diversitĂ©, comme infra raisonnement, est imbriquĂ© dans un raisonnement se manifestant dans la sphère de dĂ©veloppement du droit par le juge. Ainsi la comparaison ‘diversitĂ©‘ ne dĂ©veloppe pas, par elle-mĂŞme, le droit. Elle est un sous-ensemble d’un raisonnement (par pesĂ©e des intĂ©rĂŞts) qui exprime le dĂ©veloppement du droit par le juge. C’est le principal raison d’avoir placĂ©e cette comparaison ‘diversitĂ©‘dans le titre consacrĂ© Ă la comparaison comme technique de dĂ©veloppement du droit.
2. L'analyse fonctionnelle de la comparaison comme technique
Apres avoir fini la caractĂ©risation mĂ©thodologique de la technique comparative au service du juge communautaire il fallait bâtir une deuxième partie montrant les accomplissements du juge par cette technique. Le vrai angle d’attaque de cette deuxième partie est basĂ© sur les fonctions accomplies par la comparaison.
-Dans un premier titre on a analysĂ© la comparaison et ses ‘fonctions administratives’.
-Dans un deuxième titre on a examinĂ© le rĂ´le de la comparaison dans l’Ă©dification et ‘constitutionnalisation’ de l’ordre juridique communautaire.
Il s’agit, d’un cĂ´tĂ©, de l’Ă©mergence, fondĂ©e comparativement, des principes structurants (quasi fĂ©dĂ©raux) relatifs aux rapports entre droit communautaire et droits nationaux. D’un autre cĂ´tĂ©, il s’agit d’avènement, fondĂ© toujours comparativement, d’une protection du ressortissant communautaire en lui attribuant des vĂ©ritables droits subjectifs publics et finalement des droits et libertĂ©s fondamentaux.
3. Dernière problĂ©matique et conclusion de la recherche se focalise sur la justification profonde (essentielle) du recours a la technique comparative corrĂ©lĂ©e Ă la nature du juge et de l’ordre juridique communautaire.
On a recherchĂ© l’analogie fĂ©dĂ©rale des formes comparatives dĂ©jĂ mentionĂ©es pour constater que les Cours fĂ©dĂ©rales ne recourent jamais Ă un instrument semblable (une comparaison comme technique). Autrement dit il n’y a pas des solutions fĂ©dĂ©rales bâties sur les solutions des Etats fĂ©dĂ©rĂ©s. Il n’y a pas non plus une sorte de comparaison ‘diversitĂ©’ dans les rapports entre le droit fĂ©dĂ©ral et les droits fĂ©dĂ©rĂ©s.
Cette diffĂ©renciation entre une large pratique comparative du juge europĂ©en et l’inexistante pratique ‘comparative’ d'un juge fĂ©dĂ©ral doit s’expliquer par les aspects distinguant le système communautaire d’un système fĂ©dĂ©ral.
La CommunautĂ© et l’Etat fĂ©dĂ©ral diffèrent quant Ă la base juridique de leur existence. La CommunautĂ© est fondĂ©e sur un traitĂ© international tandis que l’Etat fĂ©dĂ©ral est engendrĂ© par une constitution. Et Ă partir de cet aspect le principal motif invoquĂ© contre l’assimilation de la CommunautĂ© Ă l’Etat fĂ©dĂ©ral est celui de la «compĂ©tence de la compĂ©tence». Il fallait regarder surtout l’aspect dynamique des compĂ©tences. Contrairement Ă l’autoritĂ© centrale de l’État fĂ©dĂ©ral, la CommunautĂ© ne dĂ©tient pas le pouvoir d’Ă©tendre ses compĂ©tences d’une manière autonome, c’est-Ă -dire sans procĂ©der Ă une rĂ©vision du traitĂ© fondateur.
En somme, si la ‘structure apparente’ peut parfois sembler fĂ©dĂ©rale, la souverainetĂ© gardĂ©e par les Etats membres montre que la structure profonde de la CommunautĂ© n’est pas de type fĂ©dĂ©ral. En effet, malgrĂ© les apparences, les Etats restent maĂ®tres de la CommunautĂ©.
Face au rĂ´le essentiel des Etats membres le juge communautaire doit ĂŞtre attentif Ă l’Ă©quilibre entre unitĂ© et diversitĂ© (moins important pour une Cour suprĂŞme fĂ©dĂ©rale) pour avoir l’accord des Etats membre (au moins implicite) face aux dĂ©cisions qu’il adopte. La Cour est obligĂ© de faire appel Ă des considĂ©rations politiques et donc une vĂ©ritable pesĂ©e d’intĂ©rĂŞts entre la CommunautĂ© et les Etats est prĂ©sente toujours(justifiant ainsi la comparaison ‘diversitĂ©’).
L’irrĂ©ductible souverainetĂ© de type international des Etats et leur position très puissante justifie finalement le recours Ă la comparaison interprĂ©tative ’standard’ et a la comparaison ‘normative’.
Ces rapports fondamentaux entre la CommunautĂ© et les Etats qui sont gĂ©rĂ©s par la Cour nous donnent l’esquisse du lien profond entre la nature (la justification) de la comparaison, la nature du juge communautaire et surtout la nature de l’ordre juridique communautaire. Ainsi la comparaison au-delĂ d’une technique spĂ©cifique du juge est Ă©galement un rĂ©vĂ©lateur de la nature profonde des CommunautĂ©s.